Un engagement strasbourgeois dans la lutte contre les LGBT+phobies

En 2023, dans le cadre de sa campagne de communication autour du 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie, la ville de Strasbourg a recueilli le témoignage de personnes engagées dans la lutte contre les LGBT+phobies. À travers leurs portraits, c’est l’occasion de mettre en avant cinq associations du territoire engagées dans la lutte contre les discriminations et pour les droits des personnes LGBT+.

L’Autre Cercle Alsace :

  • Jean-François, président de l’Autre Cercle Alsace

Je fais partie des membres à l'origine de la création de l’Autre Cercle, après avoir été victime de discriminations dans le cadre de démarches administratives. L’association a vocation à changer les mentalités dans le monde du travail et à accompagner la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre au travail. Elle nous permet également de faire la connaissance de personnes passionnantes, de découvrir leurs parcours, leurs problématiques et leurs aspirations, et ces rencontres nous font évoluer.
Dans l’acronyme LGBT+, on a beaucoup travaillé sur le "L" de "lesbienne" et le "G" de "gay", et on commence à travailler sur le "T" de "transgenre". L’enjeu actuel est de travailler autant sur le reste des "+". Ce sont des sujets qu’une directrice ou qu'un directeur des ressources humaines ne sait pas nécessairement accueillir, et notre équipe est là pour l’accompagner.

  • Nicolas, secrétaire adjoint de l’Autre Cercle Alsace

Pourquoi s'engager ? Pourquoi pas ! Je pars du principe qu’il est important, en tant que citoyenne et citoyen, de s’investir dans la cité, dans des associations, quelles qu’elles soient. L’Autre Cercle œuvre au respect des droits des personnes LGBT+ dans le monde du travail. Nous accompagnons, informons et formons les employeuses et employeurs et actrices et acteurs du management de la diversité et de l’inclusion. Alors que certaines d’entre elles et certains d'entre eux partent du principe qu’il n’y a pas de problème dans leur entreprise, nous leur faisons remarquer qu’iels n’ont jamais posé la question à leurs équipes : avant de tirer des conclusions, il est nécessaire de faire un diagnostic.

Notre idéal est celui d’une mixité totale, qu’il n’y ait plus de sujet autour des droits des personnes LGBT+. Alors, on pourra dissoudre l’association, la problématique sera résolue.


Pelicanto :

  • Gaell, administratrice de Pelicanto

Je suis engagée tout d’abord parce que ce sont nos identités qui sont visées par ces haines. Au-delà, je me bats pour que toutes les personnes soient respectées et que l’égalité soit réelle. Et nous n’y sommes pas. Les discriminations et les absurdités administratives sont nombreuses, pour les couples homosexuels qui souhaitent adopter par exemple, ou pour les hommes transgenres qui accouchent et devraient adopter leur propre enfant. Avant 2017, les personnes trans qui souhaitaient changer leur mention de sexe à l’état civil étaient stérilisées. Encore aujourd’hui, certains juges demandent un avis médical pour autoriser le changement d’état civil, ce qui n’est plus légal.

La lutte, ce n’est pas seulement des revendications et de la colère, mais aussi exprimer et partager haut et fort la joie d’être qui nous sommes. Au sein de Pelicanto, que l’on appartienne ou non à la communauté LGBT+, on peut représenter ce groupe, en chantant, ensemble. C’est une action puissante selon moi.

  • Mickaël, trésorier de Pelicanto

Beaucoup de personnes LGBTQIA+ de notre âge, ou plus âgées, subissent et ont subi des discriminations dans leur jeunesse. Alors il est important de lutter pour que demain, une personne LGBT+ puisse être elle-même sans problème, sans se cacher ou avoir peur, que l’on n’ait plus à parler de LGBT+phobies. Pour atteindre cet objectif, différentes actions et projets peuvent permettre de "normaliser" nos identités, de changer l’image de ce qu’est la norme. Nous, c’est à travers le chant que nous militons. Nous organisons depuis quelques années des spectacles, qui attirent un public très divers, issu de différents milieux, genres et identités.

  • Mathilde, cheffe de cœur de Pelicanto

Je suis engagée depuis longtemps, et plus la vie avance, plus je me rends compte que c’est indispensable. Pelicanto a décidé d’utiliser l’art du spectacle, et notamment le chant choral, pour lutter contre les discriminations LGBT+. Nous créons des spectacles engagés et investissons l’espace public. Nous avons, par exemple, monté un projet à Schiltigheim dans le Quartier des Écrivains, pour ramener la fête de la musique dans ce quartier, ou chanté au parlement européen en solidarité avec les personnes LGBT+ de Tchétchénie.
Aujourd’hui, il faut prendre la place pour ramener l’idée que l'ensemble des êtres humains ont la même valeur. Comme dans le cas des féminicides, c’est toujours perçu comme "moins grave", "moins important" que d’autres crimes. J’aimerais qu’on soit plus visibles, et en avant au même niveau qu’un homme cisgenre, blanc, hétérosexuel.

  • Antoine, choriste de Pelicanto

Mon engagement c’est aussi une forme d’espoir pour moi, de pouvoir recréer des espaces dans lesquels nous indépendantes et indépendants, et où l’on ne reproduit pas ce que l’on subit toute l’année. Où l’on peut s'autoriser à rêver des futurs alternatifs, aussi bien sur les enjeux LGBT+, mais aussi écologiques par exemple ou de justice sociale. L’espoir qu’amène le fait de se mettre en lutte permet de ne pas céder à une espèce d’angoisse apocalyptique ambiante.

Selon moi, il est crucial de faire comprendre que tout le monde va bénéficier de nos luttes, et pas seulement les personnes dites "concernées". Il faut dépasser cette catégorisation, nous ne sommes pas seulement une communauté qui se bat pour ses propres intérêts, mais pour que tout le monde ait les mêmes droits et profite de ces avancées.

  • Elisabeth, vice-présidente de Pelicanto

M’engager, à Pelicanto comme ailleurs, c’est une question de survie pour moi. C’est ça ou l’on continue de se faire tuer tous les jours. La Journée Internationale du souvenir Trans, le 20 novembre de chaque année, nous rappelle que des personnes meurent, sont tuées, poussées au suicide. En 2021, 375 personnes transgenres ont été tuées dans des crimes de haine à travers le monde, selon le rapport Trans Murder Monitoring.
Au sein de Pelicanto, nous avons la volonté de nous mettre en relation avec tout le tissu associatif LGBT+ de Strasbourg et d’ailleurs, puisque l’on travaille aussi avec des chorales européennes. Ce lien inter-associatif est très important à mes yeux.

 

FestiGays :

  • Matthieu Wurtz, président de FestiGays

J’ai beaucoup de mal avec les injustices, donc c’était assez naturel de me lancer dans ce combat. Militer demande du temps et de l’énergie. J’ai la chance de les avoir donc autant utiliser cette possibilité pour aider les autres. Avec FestiGays, et la marche des fiertés que nous organisons, nous rassemblons beaucoup de monde, faisons passer des messages forts et montrons que nous sommes ensemble, avec nos différences. Le mois des visibilités permet d’avoir un lien avec toutes les associations, d’organiser des choses ensemble, c’est très fédérateur.

La lutte contre les discriminations est toujours un grand enjeu, bien que l’on mène ce combat depuis plus de cinquante ans de façon très active. Nous n’obtiendrons pas d’avancées significatives tant que l’on n’aura pas éduqué la population de façon systématique et suffisante à ces enjeux, en commençant par les jeunes générations.

 

Juin’69 :

  • Marie Furlan, fondatrice et présidente de Juin’69 

Ces discriminations ne devraient pas exister aujourd’hui en 2023. En tant que personne concernée, je me suis sentie le devoir de me battre pour ça. Juin’69, qui doit son nom aux émeutes de Stonewall, est une association culturelle et militante, queer et féministe. Nous organisons tous types d’évènements (drag shows, book clubs, émissions de radio, tables rondes…) avec l’objectif de mettre la communauté queer en valeur, et de lutter contre les discriminations.

L’éducation et la visibilité sont les deux enjeux majeurs de nos luttes aujourd’hui. Nous souhaitons que dès le plus jeune âge, toute personne puisse se dire que c’est possible d’être qui elle est, que c’est OK. Quand tu es complètement perdue ou perdu, que tu es jeune, tu as l’impression d’être un ovni, d’être seul·e au monde. Être visibles, normaliser nos identités, permet de montrer que nous avons toutes et tous, parmi nos connaissances, des personnes LGBT+, et que ça ne change absolument rien à qui iels sont.


Le Refuge – délégation Alsace :

  • David, membre de la fondation Le Refuge – délégation Alsace

J’ai longtemps participé aux marches des visibilités sans toutefois m’engager dans des associations militantes. Et puis j’ai croisé Le Refuge, une fondation qui correspond à mon tempérament d’engagement. On y propose une prise en charge globale pour les jeunes LGBT+ en rupture familiale ayant subi des violences physiques ou psychologiques dans leur environnement proche, et qui ont besoin de s’en extraire pour se reposer, se poser et pouvoir à nouveau se projeter dans l’avenir.

Aujourd’hui, nous devons encore lutter pour être reconnues et reconnus par la majorité de la société et inclues et inclus. Tant que des personnes LGBT+ ne pourront pas se tenir la main dans la rue par exemple, sans craindre des violences verbales ou physiques, le combat pour nos droits et la reconnaissance de nos identités ne sera pas fini. Et, même s’il y a eu des avancées, il y a malheureusement encore beaucoup de travail.

  • Justine, membre de la fondation Le Refuge – délégation Alsace

Le but de notre action au Refuge est de mettre à l’abri ces jeunes, mais aussi et surtout de leur permettre de se construire autour de leur identité LGBT+, pour laquelle iels ont été rejetées et rejetés.  Un refuge est, par définition, un endroit sécurisant, dans lequel on peut se poser et reprendre des forces, mais dans lequel on ne reste pas. Notre rôle est de leur faire prendre conscience de leur valeur, de leurs propres ressources, et de leur apporter celles qui leur manquent pour pouvoir grandir, gagner en autonomie et voler de leurs propres ailes. 

Je me réjouis que l’on assiste non seulement à une libération de la parole sur les sujets LGBT+, mais qu’il y ait également de plus en plus d’alliées et d'alliés, de personnes pas nécessairement concernées qui œuvrent à leur niveau pour contribuer à faire avancer ces sujets. Malheureusement, on observe en parallèle de cette visibilité croissante une sévère hausse des violences LGBT+phobes. Face à cela, le seul remède, la seule porte vers l’acceptation, est la sensibilisation de tous et toutes.
 

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